Posted by : Maxime Hamon
lundi 19 octobre 2015
Non, cette fois ce n'est pas moi qui critique un truc mais No, qui a décidée, pour la 1ère fois, de poster sur mon blog. J'en suis ravi et sans plus attendre je lui laisse la place.
Critique
de Outlander
ATTENTION,
CECI CONTIENT DU SPOIL CONCERNANT LA SERIE DONT IL EST QUESTION MAIS
AUSSI DE GOT (POUR CEUX QUI NE L'ONT PAS VU).
Ce
week-end, j'ai fini la première saison d'une série qui m'avait
donné beaucoup d'espoirs et que j'avais commencé cet été alors
que je bossais, seule, isolée de tous (pathos moment).
Comme
chacun de vous le sait, je suis quelqu'un de difficile (si, si, un
peu quand même), mais les premiers épisodes m'avaient donné de
quoi me réjouir. J'avais besoin de quelque chose de neuf, de
dépaysant, de funky.
Le
postulat de départ de la série m'a tout de suite intriguée :
Outlander,
c'est l'histoire d'une infirmière de guerre anglaise, Claire
Beauchamp-Randall, qui en 1945, se retrouve téléporter au 18e
siècle dans la campagne écossaisse (style Braveheart) où elle
rencontre l'highlander Jamie Fraser du clan Mackenzi. Ce n'est pas le
sujet le plus original, je l'avoue, surtout si vous ajoutez à tout
ça une histoire d'amour à l'eau de rose. Le jeune Jamie, est
présenté comme intelligent, rebel, droit, sensible et torturé, la
meilleure recette pour plaire au public féminin (sans se leurrer,
c'est le public visé dans ce genre de série). C'est le typique
écossais, baraqué, roux, beau, noble … un fantasme pur et dur
dans une série pour meuf.
Comme
je vous le disais, jusque là, rien d'original.
J'appris
par la suite que la série était tirée d'une série de livres
éponymes (Le Chardon et le Tartan en France). Evidemment, n'ayant
pas lu les livres, vous vous doutez bien que je ne vais parler
seulement de ce que j'ai pu voir dans la série.
Les
premiers épisodes sont donc assez addictifs : on suit les
aventures de Claire, qui passe à travers une faille
spatio-temporelle lors de l'Halloween écossais, après avoir assisté
à une cérémonie de gentilles sorcières priant mère-nature. Elle
rencontre l'ancêtre de son mari, Jake Randall, personnage peu
sympathique, puis les membres du clan rebel Mackenzi. Grâce à ses
connaissances médicales et son franc-parler, elle devient la
guérisseuse du clan, même si son origine anglaise lui pose de gros
problèmes dans ce climat de tension, et elle est très vite
suspectée d'être une espionne.
On
nous présente donc Claire Beauchamp-Randall comme un personnage
fort. Vous connaissez tous mon engagement féministe, alors
forcément, ça ne pouvait que me titiller.
On
la voit à plusieurs reprises dans le feu de l'action (Lors de la
WW2), gérant des blessures de guerre avec sang-froid et courage.
Plus tard, lorsqu'elle débarque dans un monde qui lui est (presque)
totalement inconnu, elle développe une capacité d'adaptation
relativement phénoménale, ce que je ne peux qu'admirer. C'est une
femme forte, intelligente, cultivée, libre de son corps et de sa
tête... bref. On s'y attache forcément rapidement.
Cela
aurait vraiment pu rendre la série bonne, du moins sympathique,
voire originale. L'idée d'envoyer une femme moderne, une femme dont
l'époque et le pays commencent à mettre les hommes et les femmes
sur le même pied d'égalité (n'oublions pas que les anglaises
obtiennent le droit de vote en 1928. Oui, oui, une 20aine d'années
avant la France.) 200 ans dans le passé, dans un temps où le
plaisir féminin n'était même pas connu et où tout ce que cette
jeune femme connaissait n'a même pas encore été pensé, n'était
franchement pas mauvaise.
Néanmoins,
la série ne pousse pas assez loin. Pour moi, le postulat « c'est
tiré d'un roman donc ils n'ont pas de liberté » ne peut pas
tenir. On sait ce que les scénaristes ont fait de l'oeuvre originale
dans GOT ou même dans The Walking Dead. Il n'est pas rare à
Hollywood d'outrepasser ce qui a été écrit, et d'en faire quelque
chose de meilleur ou de moins bon (le plus souvent). Bref, malgré le
fait que la série s'inspire de romans que certains rapprochent de la
collection Harlequin, Starz (la chaîne productrice) aurait pu en
faire quelque chose de plus réfléchi et ne pas rester cantonné au
scénario de base (qu'ils ont apparemment respecté de très pres).
Les
premières longueurs arrivent très rapidement (à partir de
l'épisode 4 je dirais, sachant que la première saison en compte
16). Mais en dehors de cela, toute la force féministe du personnage
de Claire disparaît petit à petit, au profit de son histoire
d'amour. Les rapports d'égalité entre elle et Jamie sont évoqués
à plusieurs reprises, mais de manière totalement caricaturale. Elle
devient la femme forte chiante, qui ne sait pas rester à sa place
dans les moments nécessaires, et lui l'homme qui doit tenir son rôle
de mari, même si dans l'intimité, il se soumet totalement à
Claire. On n'a pas de rapport d'égalité mais des rapports de
soumissions inversées : l'un dans le public, l'autre dans le
privé. On retrouve en réalité un schéma vieux comme le monde (La
mégère Apprivoisée de Shakespeare ?).
Celles
pour qui la romance est importante seront comblées. Il y a
effectivement des scènes touchantes, des déclarations enflammées
entre les deux amants.
Mais
voilà. Le postulat de départ a été abandonné.
Inutile
également d'évoquer les scènes de sexe, qui reprennent la mode
lancée par HBO (je ne vous fais pas de dessins.)
Autre point négatif : le personnage de Black Jack Randall.
Je
pense que les scénaristes (je le rappelle, je n'ai pas lu les
livres) se sont perdus sur ce personnage. Dès le départ, il est
présenté comme un homme brute, violeur en puissance, sadique...
etc. Pendant longtemps, on pense qu'il en a après Claire : elle
n'a pas peur de lui, lui tient tête, quelque chose qu'il ne semble
pas avoir l'habitude de gérer. Il la soupçonne (à raison) de ne
pas être celle qu'on croit, et son machisme semble provenir de là
(et aussi de son coté sadique). Il veut évidemment la soumettre et
tout est bon pour : agressions sexuelles à chaque rencontres,
tentative de viols, violences physiques... mais au final, ça
n'aboutit jamais à rien. C'est un manipulateur, mais son but n'est
pas clair. Jusqu'aux derniers épisodes.
Et
c'est là que ma déception a atteint son paroxysme. La réelle
motivation de Randall, c'est Jamie, qu'il considère comme son chef
d'oeuvre. En effet, Jamie, dont la tête a été mise à prix pour
cause de vol puis de supposé meurtre, a subit le sadisme de
Randall et en porte les marques sur le dos.
Les
deux derniers épisodes ne sont en réalité qu'une démonstration de
violences perverses de la part de Randall sur Jamie. Tout y passe,
tout est montré : violences, tortures physiques et
psychologiques, et viols. Encore.
Et
voilà le but final de toute cette critique. Quand on en arrive à un
point où le spectateur n'est plus choqué par une scène de viol
filmée cruement, dans son intégralité, pendant près de 2min, moi
ça me gêne. Certains d'entre vous me connaissent bien. Je ne suis
absolument pas du genre sensible à la violence (ce qui ne signifie
pas qu'elle ne me gêne pas). Je suis public de films d'horreurs, de
films psychologiques, de films d'actions... les scènes de meurtres,
de violences, ne me font ni pleurer, ni fermer les yeux. Je suis
capable de voir du sang gicler sans ciller. Mais supporter deux
minutes de viol, non. Je ne peux pas, car je ne comprend pas.
Et
j'en viens à cette réflexion : quelles besoins notre société
a-t-elle de montrer la violence à ce point, dans ce qui est censé
être du divertissement ? Il me semble qu'il n'y a aucune
critique, aucun but à cette scène et aux suivantes, autre que
satisfaire le voyeurisme d'un public avide de violences en tout
genre. Car ce n'est pas la première, ni même la seule série ces
dernières années à promouvoir ce genre de violence. Revenons-en à
GOT : il est de notoriété publique que certaines scènes
particulièrement violentes, ont été rajoutées ou accentuées pour
la télévision (le viol de Daenerys dans la première saison, celui
de Sansa dans la dernière saison,...)
Jake
Randall est effectivement une digne représentation du sadisme
original, celui de Sade. Il tire son plaisir de la violence, de la
douleur. Mais la série explique très bien cela, à plusieurs
reprises, et de manière beaucoup plus juste. Jack Randall voit dans
les blessures qu'il a infligé à Jamie lors d'une flagellation
officielle un acte de poésie, de beauté sublime. La violence qu'il
emploie à ce moment, « justifiée » par la colère de ne
pas voir sa victime le supplier, se mue en une ferveur artistique de
la douleur. Il parle alors de cet acte comme d'un chef d'oeuvre, sur
une toile de chair humaine, dont les coups ont à la fois marqué le
corps et l'esprit du jeune homme.
Les
deux derniers épisodes ne sont pour moi qu'un entassement de
violences gratuites qui n'apporte ni au personnage, ni à la série.
Par contre, ils me laissent perplexe avec un sentiment de malaise et
des tas d'interrogations. Et ça, ça m'emmerde grave.